22 février 2010
Un mot, un seul. Un drame, mon drame. Papa. C'est un des premiers mots que l'on prononce.On a en tous un, biologiquement au moins. C'est notre plus grand fan et particulièrement à nous les filles. Leur bébé, leur fille, leur petite fée. Moi je n'en ai plus et je dirais même que je n'en ai jamais eu. Je sais, je ne suis pas la première, je ne suis pas la dernière mais qu'est ce que cela change dans le fond ? Ne pas en avoir un est une chose. En avoir eu un semblable qui vous a ruiné votre enfance, entaché votre mémoire de souvenirs noirs, en est une autre. Ce manque inlassable, ce manque inconsolable, y a t-il quelqu'un pour enfin me comprendre ?
La petite fille en haut de l'escalier. La petite fille en haut de l'escalier veille au calme de la maison. La petite fille en haut de l'escalier se balance pour se rassurer. Elle descend sur la pointe de ses petits petons inspectaient que tout va bien. De nombreux soirs, neuf sur dix au moins, à toute heure en toute période. Cette mission qui lui tombe du ciel, qu'elle s'est aussi un peu confiée elle même, elle ne le savait pas alors mais ça la faisait tenir. Etre utile, servir. Ca l'a rendait forte, elle ne pensait même pas à elle, à un autre père qu'elle aurait pu avoir, et qu'elle aurait peut être même mérité, qui sait.
C'était alors une vie sans liberté, une vie de soumission. Condamnée à rester chez elle, ou pas trop loin alors. Condamnée à être différente des autres enfants. Les différences nous dérangent, nous font rougir. A aucun moment, la norme est suivie. La norme qui rassure. Une vie stable qui nous construit, une vie d'insouciance que la petite fille en haut de l'escalier n'a connu que peu.
Elle avait déjà cet attachement flagrant. Mon père, ce héros! et lorsqu'on est en âge de comprendre, la déception est plus que grande. Et la question la plus dure, vous ne pourrez tout comme moi, jamais y répondre: Pourquoi ? pourquoi moi ? Qu'ai-je mérité pour avoir cela ?
La petite fille en haut de l'escalier se sent vide et inutile. Mal aimée et abandonnée et lorsque dans le plus grand des hasards, elle trouve un réconfort, un beau, gentil, et rigolo réconfort, ce n'est pas réciproque. Alice au pays des papas idéaux a rencontré le plus merveilleux des Papas qui n'est bien entendu pas le sien.
Alors aujourd'hui la petite fille en haut de l'escalier doit grandir, doit passer le cap, doit se surpasser. Ses douleurs profondes qui la font pleurer en une demi seconde, ses élans de tendresse à distribuer à un référent juste là pour échanger, la consoler, l'encourager. Un référent inexistant. Un modèle absent. Et des pleurs chaque soir. Une tendance mélancolique flagrante depuis ce départ, depuis ces changements. La petite fille en haut de l'escalier a perdu une raison de vivre. Elle ne peut faire le deuil de cet homme, parce qu'un inconsciemment l'espoir d'un revirement reste au fond d'elle, tout au fond. Mais elle le sait, cela n'arrivera jamais. Elle n'aura pas de papa, ni celui là, ni un autre. Elle se le répète. Jamais, jamais, jamais. n'espères rien, ni de lui, ni de personne car les sentiments des autres ne seront jamais à la hauteur de l'amour dont tu as besoin. Il n'y en a qu'un qui naturellement peut offrir tout ce bonheur, c'est papa. Mais moi, il n'est pas là. Mais le plus frustrant, c'est qu'il est là pourtant mais il est si absent, si décevant. Il n'est qu'une honte, un boulet, une douleur dans mon coeur. Si je pouvais le changer, tout recommencer, je le ferais.
Des années où les rôles sont inversées et où je ne me rends pas compte. Rien. Je vis au jour le jour. Les soirées se ressemblent et les nuits peuvent être courtes. Le bus est à 7H ou 8H mais peu importe.
Si tu savais comme tu as tout raté, comme tu as tout gâché. Bien que présent, tu as dérangé. Tu as noirci un tableau qui aurait pu briller, ou du moins s'illuminer, s'améliorer.
Maman pleure. Maman pleure à cause de lui. Maman se fait rabaisser, chaque jour, chaque année, chaque dizaine d'années. Maman est une salope, il parait. Maman est bonne à rien. Maman se fait sauter. Maman m'apprends le métier. C'était bien? T'as quelqu'un pour te montrer remarque.
Il sert le poing. Il sert le poing quand les mots le dérangent. Mais moi je n'ai même plus peur, du moins presque. Je rentre dans le tas. Je dis haut et fort ce qui dérange. Je gifle, il m'insupporte tant.
Un refrain sans couplets, un refrain sans couplets qui revient inlassablement.
Les promesses ne sont jamais tenues. Les sorties ne sont jamais d'actualité pour faire place à la misère d'une vie sans joie.
Le stress, le nœud au ventre. La petite fille en haut de l'escalier ne sait jamais quand elle va prendre son poste. Pas d'heures, pas de degrés sur la gravité de la situation.
Il dort. Il dort dans les toilettes. Il dort sur le sol par terre, il est tombé. Il dort sur les cailloux blancs, dehors et il gèle. Il saigne, égratigné, on ne sait où, blessé, on ne sait pas ou assommé peut-être. Il est mouillé, il s'est pissé dessus ce con. La misère d'un homme bouffait, rongeait par la maladie. Malgré tout, malgré ça, tu n'es pas pardonnable. On sort et Maman crie car Maman crie toujours. "Maman, tais toi les voisins, merde!". Je prends mes mains, mes mains d'adolescents, mais je pleure trop pour pouvoir avancer mais il le faut. De longs efforts, d'un corps sans âme, d'un corps de mort-vivant. Ces yeux, le pire peut être, vide, transparent, drogué. Bercée d'insultes, on y arrive enfin. Oh hisses! Salop! Je suis toute retournée, je tremble, mon cœur bat, j'en suis bien sûr. Il n'y a plus qu'à veiller. 2 heures de tranquillité avant la tempête, la tempête dans la cuisine.
C'est toujours la même chose. Des soirs plus lourds que les autres. Mais rarement de bonnes surprises. Le pardon de mots si durs, d'un homme si éloigné d'un père, reste un pas insurmontable. Comment oublier? On n'oublie rien, on passe juste le cap. On doit faire le deuil. Il n'est plus là. Il ne reviendra pas. Son cerveau est entaché, son cerveau a été grignoté par ce putain de liquide.
On aime être dans le coup. On aime suivre les copains, les copines. Nous, toujours à la renverse. On lutte, on s'accroche. On essaye d'avancer et si peu qu'on sort, on essaye de s'évader parce que l'on sait que dès notre retour, l'enfer continue.
Tu dois grandir la dedans, il parait.T'essayes en tout cas. De la souffrance, pas mal de cris, pas mal de violence, physique ou morale, l'un, l'autre, les deux parfois. Tu dois apprendre là dedans. Tu es sensée prendre modèle. Tu es sensée avoir plaisir à rentrer chez toi mais ça n'a jamais été le cas. J'étais de ces enfants qui sont tristes d'être en vacances.
La petite fille s'impatiente. Il a promis, elle est heureuse. Elle y croit cette fois. Et puis, comme à chaque fois, il n'est pas là. La petite fille avait tout préparé, elle avait décidé de l'attendre, elle avait mis la table et même plier les serviettes. C'est juste normale tu sais, un repas de famille, comme cela devrait être chaque jour. Ça ne devrait pas paraitre exceptionnel. La déception est toujours grande. La petite fille grandit avec l'habitude que les gens ne respecteront pas leurs promesses. Les gens te déçoivent toujours. Tu ne peux compter que sur toi.